Le texte de Sylvain, pour dire toute notre tristesse :
Notre grand Jo tellement aimé
Que tu nous manques, que c'est difficile d'être là tous ensemble sans toi, notre poète qui à chaque anniversaire, chaque occasion trouvais les mots justes pour nous tous,
Que c'est difficile de parler de toi qui tant de fois parla si bien de chacun d'entre nous, si généreusement, de tes alexandrins inimitables qui nous emplissaient d'émotion chaque fois, déclamés du bout des lèvres, avec cette façon qui n'était qu'à toi de pencher un peu la tête sur le côté en les disant,
José l'amoureux inséparable de ton Hélène adorée
le père mille fois comblé - et qui ne l'aurait pas été à ta place - spectateur bienheureux de l'humour inégalable de Jean-Nicolas,du piano et de la joie de vivre d'Anne, de la marche vaillante de Julien sur le chemin d'Hippocrate,
Papyjo et Mamylène gâtés d'enfants et de petits-enfants plus merveilleux les uns que les autres, comme vous deux experts dans l'art de vivre, de saluer la vie, de savourer chaque moment,
José la joie, une jubilation douce, rentrée, intérieure, mais qu'on sentait toujours affleurant,
José d'Oletta jamais plus heureux que sur ta grande terrasse de Corse, devant la plaine, avec le soleil couchant là-bas au loin, et une belle journée de travaux dans le jardin accomplie par la maisonnée, une nouvelle terrasse gagnée sur les broussailles en contrebas, une nouvelle chambre aménagée au grenier par Bertrand et ses troupes, un nouveau centimètre d'eau versé au célèbre bassin,
José le doux et l'ardent,
Ardent de ton Hélène chérie, ardent de ta Corse, ardent comme tous les écrivains et les musiciens que tu aimais, Apollinaire, Pasolini, Garcia Lorca, Castiglione, Alfred Deller, Léo Ferré,
José debout avec ton tuyau d'arrosage devant la maison d'Oletta et refusant de t'en aller malgré l'incendie toujours plus proche, disant non je ne partirai pas, restant jusqu'au bout devant la porte à défier les flammes plutôt que d'abandonner les lieux,
José si amoureux de ta vigne vierge que chaque coup de sécateur qu'on y donnait te faisait mal,
José qui certains soirs savais nous réciter par c½ur les dix pages de Zone d'Apollinaire, puis par c½ur les soixante-six strophes de la Chanson du mal-aimé, puis petit à petit par c½ur tout le recueil d'Alcools, lu tellement de fois qu'il suffisait de te resservir du muscat pour que tu continues d'en dérouler une à une les pages gravées dans ta tête
José le pêcheur de girelles mirobolantes au large des rochers du Laudo
le tiffo de la squadra azzura
le marcheur des châteaux cathares
José et sa petite pochette tenue sous le bras, ses journaux achetés le matin chez Boquetchamp,
José et sa Mazda pour attaquer les virages façon Fangio,
José et sa raquette de ping-pong tenue à plat pour pousser d'un petit coup sec la balle devant lui, revers toujours et s'il fallait faire un coup droit c'était sauve qui peut
Jo la flèche et ses cartes postales signées d'un J d'archer
José l'heureux, auquel nous avions découvert dans l'effrayante épreuve de ces derniers mois une détermination et un courage si incroyables qu'un moment ils nous firent presque espérer l'impossible, entouré de ton état-major et de tes lieutenants fidèles, comme tu les appelais, gardant jusqu'au bout ton humour et ton élégance, trouvant encore la gentillesse de soutenir les autres comme tu le fis pour nous pendant les quelques jours où Pierre fut malade, nous bombardant de textos galvanisants qui nous firent tant de bien.
Avec toi les discussions étaient pleines de silences mais continuaient longtemps après encore de trotter dans la tête, les milliers de livres lus et traduits n'écrasaient jamais les autres, le savoir était gai, fait seulement pour se réjouir et rendre la vie plus belle.
A tes côtés on se sentait bien, chacun était ce qu'il voulait, tu aimais sans chercher à conduire personne, sans certitude pour les autres, simplement tu étais là, tu aimais sentir la vie bruire autour de toi, les enfants jouer et courir, les grands parler et rire, et sous tes airs rêveurs tu avais d'infinies attentions pour chacun.
Elles vont être tristes sans toi les prochaines cousinades, nous allons nous sentir seuls, bien seuls, orphelins de ta présence qui nous unissait si fort.
Je t'embrasse de tout mon c½ur mon grand Jo.
Je vous embrasse Hélène, Jean-Nicolas, Anne, Julien, ma tante et mes cousins tellement aimés.
16 décembre 2013
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